L'exécutif teste l'idée d'une décote sur les pensions liée à l'âge, qui dissuaderait mais n'interdirait pas de partir à 60 ans. Les syndicats sont très critiques envers cette piste de réforme.
Ce n'est que l'une des pistes envisagées par le gouvernement pour la réforme des retraites, mais elle suscite déjà une forte hostilité. L'exécutif réfléchit à une solution pour éviter de remettre en question frontalement l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite, fixé à 60 ans depuis 1983, et dont presque tous les syndicats refusent d'entendre parler. L'idée, évoquée hier par « Le Figaro », est la suivante : l'âge à partir duquel un salarié pourrait liquider ses droits resterait fixé à 60 ans, mais il ne bénéficierait plus d'une retraite complète, même en ayant suffisamment cotisé. Une décote liée à l'âge serait créée (en plus de la décote actuelle liée au manque de trimestres cotisés) et ne disparaîtrait qu'à un « âge pivot », par exemple 62 ans. C'est à cet âge que le salarié ayant suffisamment cotisé aurait droit à une retraite complète. L'incitation serait donc grande de prolonger la durée d'activité. Tout en évitant de toucher à un tabou (la possibilité de partir à 60 ans), ce qui pourrait limiter la contestation.
Il ne s'agit que d'une piste testée auprès de certains partenaires sociaux, et elle est loin de faire l'unanimité au sein même du gouvernement. Aucun chiffrage des économies qu'elle engendrerait n'a d'ailleurs été demandé officiellement. Cela n'empêche pas les partenaires sociaux de réagir. « Dès lors qu'il y a un malus à 60 ans, c'est qu'on touche au principe du départ à 60 ans », a réagi sur France Inter Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT. « Ce serait aussi inacceptable que le report de l'âge légal », abonde Eric Aubin, le « M. Retraites » du syndicat. « Nous serions opposés à cette piste de réforme si elle se concrétisait, déclare Jean-Louis Malys (CFDT). Elle serait injuste pour les salariés qui ont une carrière pleine et qui devraient continuer à travailler jusqu'à l'âge pivot sous peine de voir leur pension réduite. »
Les partisans d'un relèvement de l'âge légal de départ sont eux aussi critiques. « Ce serait toucher à l'âge légal sans le dire, et une mesure terrible pour le pouvoir d'achat des retraités », critique Danièle Karniewicz (CGC), qui souhaite une réforme plus lisible. Le patronat est sur la même ligne : « Attention, pour régler un problème de symbole, de ne pas créer un problème, beaucoup plus sérieux, d'équité sociale », avertit Jean-François Pilliard, en charge des retraites au Medef. Les premiers concernés seraient ceux qui ont commencé à travailler tôt, notamment les ouvriers, argumente-t-on à l'organisation patronale. En effet, ce sont eux qui ont tendance à partir à la retraite le plus tôt possible aujourd'hui, et certains continueraient de le faire même avec une décote : un tel dispositif risquerait donc d'amputer les pensions des catégories sociales où elles sont déjà faibles.
Retraite : les partenaires sociaux rejettent tous l'instauration d'une décote à 60 ans